Murielle SansBornes se remettait
tant bien que mal d’un lendemain de veille depuis les deux dernières
semaines. Sa cuite favorisait le temps chaud, ce qui, en décembre,
signifiait que l’appartement arborait un 45 degrés
tropical à l’ombre. Heureusement, la Société Électrique qui desservait
son logis se faisait un devoir de complaire. La soirée précédente fut
longue, puisqu’elle dut remplacer les coupes de vin convoitées par une
série de capsules d’ibuprofène, seule solution
lui permettant d’affronter la lumière glauque de ses appartements
privées. Lorsque les décoctions médicinales cessaient leur effet
bénéfique, son corps se convulsait avec grâce, expulsant adroitement un
café frais, signe innommable de jours meilleurs.
Le changement de la garde
n’avait aidé d’aucune façon la situation funeste qu’avait soudainement
pris sa vie professionnelle. En effet, malgré son doctorat en langues pré-Ayurvédiques et son BAC en danse contemporaine,
sa chaire à la Sorbonne en Anthropologie mixte et appliquée fut
révoquée suite à son entêtement à publier, innocemment peut-être,
d’interminables articles érudits sur le calfeutrage préhistorique
retrouvé en Palestine sous les décombres d’un temple précolombien
aux allures vaguement et ministériellement mégalithique.
Son directeur ne pouvait
accepter que la masse des créationnistes de tout acabit se rebellent
publiquement, rétorquant lui-même avec indignation que seul le Créateur
pouvait être responsable d’un calfeutrage de telle
qualité. La datation proposée de 100 000 ans avant l’ère moderne ne le
faisait guère sourciller, le temps étant malléable après tout.
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