samedi 1 juillet 2017

Conformisme buccale et Hygiène Corporative

Le ciel s'ouvrait devant lui, sa chute précédant sa reprise de conscience. L'heure avançait et il ne pouvait discerner le bas du haut, ni la droite de la gauche (ce qui, en politique, est un indice probant de la vie au XXIe siècle). Ses derniers souvenirs le ramenaient à la chaise de dentiste, une bavette de papier buvard autour du cou, portant un blaser Sport de marque Incognito Ergo Sum, alors que l'hygiéniste s’apprêtait à lui administrer une sérieuse dose de Sérotonole TM pour calmer son anxiété croissante devant l'inévitable extraction d'une masse calcaire (jadis: molaire) quasi inexistante de sa cavité buccale endolorie.
Conformément à l'article 144 (alinéa b, colonne c) du Guide de l'Employé: "Toute absence corporelle du lieu de travail doit être signalée auprès du Supérieur Immédiat dans les 24 heures précédant l'absence. Pour une absence non-planifiée, il faut aviser 48 heures précédant le début fonctionnel de l'absence. Une absence non-signalée pourra résulter en une mesure disciplinaire entraînant une perte de santé ou même une répudiation salariale. La mort éventuelle de l'employé doit être précédée d'une notice au bureau des Ressources Humaines devançant le décès d'au moins trois mois afin d'assurer un transfert de connaissances adéquat auprès du personnel remplaçant."
"Cette chute vers l'inconnu entraînera certainement des problèmes au bureau", se dit-il, vu l'approche rapide et imminente d'un sol qui n'avait d'autre but que de bloquer le progrès de la masse corporelle qui déferlait à sa rencontre.