mercredi 5 septembre 2018

Les Aventures Rupestres
d'Ubique, Huit et Partout

Lorsque le soleil se leva, le dernier quatuor de Kodály s’amenuisa jusqu’à ce qu’il n’en subsiste que la moelle, dont la perfection ne saurait croître. Ubique, lançant une jambe hors du lit et l’autre vers le ciel, s’écria tout doucement car il ne voulait troubler le paisible sommeil de ses deux antimatons. Les céréales avaient un goût fade d’humidité et de vielle peinture que le lait légèrement suri ne parvenait pas tout à fait à cacher. La journée s’annonçait chaude et pour cause : la mer s’était retirée à 55 ans et les décombres des bateaux qui jonchaient le sol sablonneux et infertile de l’ancienne Mare Interiore irradiaient déjà un halo de plusieurs degrés centigrade au-delà de la limite permise par le bon sang.

Huit somnolait toujours. Couché sur le côté droit, dont la droiture rigide et impardonnable ne laissait aucunement croire à ses tendances gauchistes, il gisait, infiniment plus long que large, malgré sa prise de poids récente, dû à d’innombrables altercations salées avec des repas sans cesse grandissant et fastes.

À dix heure pile, Partout s’aperçut de l’erreur commise par Ubique qui déjeunait toujours, seul avec un air maussade. Le long-jeux, dont la performance finale remontait à quelques heures, gisait sur le plateau du tourne-disque, viscose et gluant, ayant fondu librement grâce au contact impitoyable des rayons lumineux qui traversaient la fenêtre du salon, orientée Sud-Est. C’en était assez. Kodály ou pas, ce n’était pas journée poubelle, mais il faudrait donner un nouveau logis rapidement à cet ancien ami dont les sillons n’étaient maintenant qu’un souvenir distant et trouble.