Feta Job

Charlot Bézier-Roy était chef des opérations dans une firme qu'il est d'intérêt publique d'ignorer et d'en cacher le nom (surtout aux yeux des enfants et autres adultes à qui la censure sert de soupape-pression). Depuis l'opération, il se sentait différent. Son corps lui était étranger, comme s'il habitait seul dans un immeuble à étage qui n'aurait ni fondations, ni toiture; après tout, ce n'était pas comme s'il ne savait pas à quoi il devait s'en tenir. Les discussions interminables avec son médecin traitant, son psychologue, son dermatologue et enfin sa conjointe se résumaient à l'inciter à repenser son projet et de s'en tenir à un physique qui lui permettrait mieux de faire face au quotidien.

Mais voilà: la source du problème était justement ça: le quotidien. Une succession interminables de périodes de vingt-quatre heures se suivant sans relâche et sans réelle différence. Non, il fallait éradiquer le malaise à la source.

N'écoutant que son courage, il invoqua l'aide du bistouri pour sectionner le nœud gordien qui le retenait à sa vie de drone inintéressant.

Aux dernières nouvelles, les élèves du deuxième cycle en vivisection le trouvaient sympathique, flottant sans soucis dans le formaldéhyde, derrière le verre épais de la jarre d'apothicaire.